Nous examinons les axes d’amélioration de l’expérience client dans l’assurance vu sous l’angle des contraintes et incertitude subie par le client. Cela ouvre un champ d’innovations large, y compris radicales.
L’expérience client vu du client assuré
Les possibilités d’améliorations, y compris de ruptures, de l’expérience client doivent être évaluées sous deux angles :
- Quelles sont les contraintes et incertitudes que je fais subir à mes clients et qui limitent leur liberté ?
- Quelles sont les approches, éventuellement supportées par de nouvelles technologies, qui seraient susceptibles de transformer la relation en détruisant ces contraintes et incertitudes ?
L’interne va naturellement avoir tendance à défendre les méthodes, structures et habitus existants. C’est là qu’est la vraie difficulté de renouveler l’expérience client..
En réalité, je n’ai jamais rencontré une seule habitude, en dehors de celles formellement légalement imposées, qui ne puisse être changée. Appliquons le raisonnement au secteur de l’assurance. Cette analyse n’est pas exhaustive et nécessite que vous mettiez de côté votre vécu d’assureur qui justifiera très logiquement toutes les contraintes subies par le client.
La nécessité de passer par un assureur
Au premier chef, je subis la nécessité de passer par un assureur. Je vais subir les contraintes physiques imposés par le secteur. Les moins de vingt ans ne se souviennent pas de l’époque où il fallait faire le tour des boutiques pour s’assurer. Cette contrainte physique existe encore significativement.
Incertitude et angoisse
Au second chef, est c’est certainement une des contraintes les plus graves, l’assureur m’impose une incertitude et une angoisse en termes de couvertures et d’exécution du service du fait de l’expression complexe, voire incompréhensible, et du faible niveau d’engagement concret des contrats.
Très matériellement, tout un chacun a l’expérience d’interprétations variables, y compris d’un gestionnaire à l’autre, des règles. En tant que client, je suis face à une administration. Je sais que la discussion est compliquée avec une administration. Je ne sais pas comment sera traité un sinistre, ce qui sera couvert et dans quel délai.
C’est un frein important au changement d’assureur et un moteur important des réseaux de distribution traditionnels car j’espère que mon ancienneté en tant que client, ou mon agent, courtier, favoriseront un règlement satisfaisant.
Structures de coûts obscures et variables
Au troisième chef, l’assureur m’impose sa structure de coûts -de gestion et technique-dans le prix. Cette structure est le résultat des choix internes réalisés par la compagnie.
Je perçois sa structure de coût au travers du niveau de vie affiché des assureurs, de leurs dépenses visibles au travers de la quantité de publicité, de leurs sites physiques, des articles de presse où les sociétés d’assurances sont classées en tête de palmarès « où il fait le mieux vivre », etc.
Je perçois les variations de prix importantes d’un acteur à l’autre pour le même risque et les mêmes couvertures absolument inexplicables dans la logique « coût du risque ».
Je perçois surtout les augmentations que je subis en restant et qui, miracle, sont annulées quand je change. Je vois bien que les nouveaux clients sont mieux traités, ne fût-ce qu’au travers des offres promotionnelles qui leur sont réservés.
L’assureur m’impose de travailler si je veux optimiser mon tarif. Il n’est pas actif, ne me démarche pas. Il m’impose aussi de travailler gratuitement pour gérer mon sinistre. Je dois pratiquement tout faire, cela prend un temps fou, dans un domaine que je ne connais pas et qui ne m’apporte pas de plaisir, pour euphémiser. Je ne mets pas la table quand je vais au restaurant ! Et quand on me demande de débarrasser, comme dans un fast-food, je le retrouve de toute évidence dans le prix.
Associé à l’incertitude sur le service, que puis-je penser du secteur ?
Culture, procédures, acceptation du risque… complexes
Au quatrième chef, l’assureur m’impose sa culture, ses procédures, qui sont administratives, ses règles complexes de tarification et d’acceptation du risque.
Il m’impose son opacité de choix en termes de moyen et processus de production ; je ne sais pas si son comportement s’inscrit dans mes valeurs, s’il est responsable. Je n’ai pas droit d’aller voir comment cela se passe chez lui.
Il m’impose également ses règles et processus de réparation. Je dois éventuellement aller dans un garage agréé dont je ne perçois pas vraiment l’intérêt. Par contre, si j’ai besoin d’un prestataire en dehors d’un sinistre, alors même que je fais partie de cette grande mutualité qui sait bien sélectionner et négocier, je suis prié de me débrouiller par moi-même.
Il m’impose de payer des pièces neuves au prix fort que je retrouve dans le prix de l’assurance. Parfois, heureusement, pour des petits sinistres habitation, il me laisse me débrouiller.
Il m’impose sa politique de souscription et son offre limitée. S’il ne prend pas un risque, n’a pas d’offre, je suis prié de me débrouiller par moi-même pour trouver ma solution. Je ne sais pas pourquoi il accepte tel risque et refuse tel autre. Que penserais-je si Darty me disait : « je veux bien vous vendre un réfrigérateur mais pas une chaine hifi et c’est valable uniquement pour vous et je n’ai aucune raison à vous donner » ?
Il m’impose sa culture administrative. Il me traite sans tenir compte de l’historique de la relation, nouveau ou ancien client sont dans le même sac. Il n’y a pas d’intelligence dans sa gestion.
Si je veux souscrire ou me faire régler un sinistre, je me retrouve devant une administration qui me demande de tout justifier avec un regard soupçonneux, de (re)fournir de la paperasse, de me déplacer pour signer, etc. Je vois bien que je suis un fraudeur potentiel, je subis sa défiance. Si j’ai un sinistre de recours, alors même que l’assureur juge du bien fondée de la responsabilité du tiers, je vais subir les aléas de son combat administratif avec un autre assureur ! Sur ce sujet, les assureurs ont bien su trouver les moyens de limiter les conséquences pour les clients au travers des conventions IRSA, CIDRE, CID-COP et autres, mais non pour les risques les plus importants. Ils se sont entendus, même dans ces conventions, pour ne pas couvrir l’intégralité des conséquences d’un sinistre non responsable. Par exemple, le véhicule de remplacement n’entre pas dans le cadre des recours IRSA.
Nous comprenons que si j’ai fait l’erreur de traduire : « vous êtes couverts » par « le sinistre ou la sortie de l’épargne va se passer tel que je l’imagine », ou « vous êtes notre client » par « je peux avoir confiance, je vais être traité comme j’imagine qu’un client doit être traité », l’effet dépressif de la découverte de la relation administrative sectorielle va être important.